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moderne, de réalisme philosophique, pour les adeptes, le mot gardait un sens religieux, sentimental et presque amoureux.

Absolument, le positivisme est le christianisme retourné bout pour bout ; ce que l’une des croyances met au commencement, l’autre le met à la fin ; c’est une question topographique : le paradis terrestre a-t-il été la première étape de l’humanité, ou en sera-t-il la dernière ? Les gens irrespectueux classent cette question dans l’histoire des superstitions populaires ; ils constatent que la croyance au paradis terrestre initial a été et est encore répandue sur tous les points du globe ; ensuite, ils constatent encore, et avec non moins de plaisir, que la croyance au paradis terrestre futur, si l’on néglige le millénarisme et quelques autres rêveries, fit sa première apparition dans le monde vers le début du XVIIIe siècle ; des recherches méthodiques fixeraient facilement une date qui doit être contemporaine des écrits utopistes de l’abbé de Saint-Pierre, homme d’un génie aventureux.

Favorisée par les observations de Darwin et la philosophie allemande du devenir, aussi par la puissante illusion du progrès matériel, l’idée du paradis terrestre futur est devenue la base du so-