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par les mains à un arbre, comme par les ailes, un émouchet :

Le sang jaillit de mes mains ! mais malgré ces bras renversés, je reste ce que je suis.

Je suis fixée au poteau ! mais mon âme
Royale n’est pas entamée et, ainsi,
Ce lieu est aussi honorable qu’un trône.

Cependant Tête d’or est blessé. On le croit mort et on l’étend dans la nuit non loin de l’arbre dont les branches tombantes cachent la reine agonisante. Elle se réveille de sa douleur, elle crie ; Tête d’or sort de la mort, se traîne, arrache les clous. La princesse délivrée lui pardonne et l’aime, mais Tête d’or veut mourir seul, comme un roi, sans espoir et sans amour. Héros sauvage, il chante un chant de mort :

Ah ! je vois du nouveau ! Ah ! Ah !
Ô soleil ! Toi mon
Seul amour ! ô gouffre et feu ! ô sang, sang, ô
Porte ! Or, or ! Colère sacrée !

Je vois donc ! Ô forêts roses, lumière terrestre qu’ébranle l’azur glacé !

Buissons, fougères d’azur !
Et toi, église colossale du flamboiement,

Tu vois ces colonnes qui se dressent devant toi pousser vers toi une adoration séculaire !