Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cynique, où pas un mot ne détruit la sérénité d’une biographie authentique ! Pour arriver à donner une telle impression, il faut une grande sûreté d’érudition, une pénétrante imagination visuelle, un style pur et flexible, un tact fin, une légèreté de main et une délicatesse extrêmes, enfin le don de l’ironie : avec toutes les vertus bien à leur aise dans un génie particulier, il était très facile d’écrire les Vies Imaginaires.

Le génie particulier de M. Schwob est une sorte de simplicité effroyablement complexe ; c’est-à-dire, que par l’arrangement et l’harmonie d’une infinité de détails justes et précis, ses contes offrent la sensation d’un détail unique ; il y a dans la corbeille de fleurs une pivoine que seule on voit parmi les autres abolies, mais si les autres fleurs n’étaient pas groupées autour d’elle, on ne verrait pas la pivoine. Comme Paolo Uccello dont il a analysé le génie géométrique, il envoie ses lignes vers la périphérie puis les ramène au centre ; la figure de Frate Dolcino, hérétique, semble dessinée d’une seule spirale comme le Christ de Claude Mellan, mais le bout du trait est enfin relié à son point de départ par une courbe brusque.

L’ironie de ces contes ou de ces vies n’est que