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L’IVRESSE VERBALE

Les mots m’ont donné peut-être de plus nombreuses joies que les idées, et de plus décisives ; — joies prosternantes parfois,. comme d’un Boër qui, paissant ses moutons, trouverait une émeraude pointant son sourire vert dans les rocailles du sol ; — joies aussi d’émotion enfantine, de fillette qui fait joujou avec les diamants de sa mère, d’un fol qui se grise au son des fer- lins clos en son hochet : — car le mot n’est qu’un mot ; je le sais, et que l’idée n’est qu’une image.

Ce rien, le mot, est pourtant le substratum de toute pensée ; il en est la nécessité ; il en est aussi la forme, et la couleur, et l’odeur ; il en est le véhicule : et bai ou rubican, isabelle ou aubère, pie ou rouan, ardoise ou jayet, doré ou vineux, cerise