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Beau[1]. Non seulement il se refuse au joug d’une formule passagère, mais il dénie la domination de l’absolu humain, — lequel n’est d’ailleurs que la moyenne des goûts, des jugements, des plaisances de la moyenne humanité. Il peut violenter cet absolu, il peut balafrer la Beauté, — et répondre : « Votre Absolu n’est pas le Mien », et : « Il me plaît de balafrer la Beauté. »

L’Art est libre de toute la liberté de la conscience ; il est son propre juge et son propre esthète ; il est personnel et individuel, comme l’âme, comme l’esprit : et, l’âme libérée de toute obligation qui n’est pas morale ; l’esprit libéré de toute obligation qui n’est pas intellectuelle, l’Art est libéré de toute obligation qui n’est pas esthétique. C’est en vain qu’il chercherait le Vrai que l’intelligence seule peut connaître, ou le Moral que la conscience seule distingue ; il est inapte à ces opérations, il ne comprend et ne s’assimile que ce qui est adéquat à son sens unique : le Sens esthétique.

  1. « La beauté, œuvre de l’art, est plus élevée que celle de la nature », et « La beauté dans la nature n’apparaît que comme un reflet de la beauté de l’esprit : » Hégel, Esthétique. Introduction.