Page:Gourmont - L’Idéalisme, 1893.djvu/16

Cette page n’a pas encore été corrigée

autant que deux planètes du système solaire. Convaincu que tout est transitoire, hormis sa pensée, qui est éternelle (en ce sens qu’elle capte l’éternité, comme un œil capte la lumière) ; convaincu qu’il est seul et impénétrablement seul, comme une molécule douée seulement d’un pouvoir de cohésion ; convaincu enfin que tout est parfaitement illusoire, puisque dans sa course à la connaissance, ce colin-maillard, il n’emprisonne jamais que son pérennel et fastidieux moi ; bien assuré qu’il ne peut sortir de l’état égoïste que pour retomber dans l’état per-égoïste, — l’idéaliste se désintéresse de toutes les relativités telles que la morale, la patrie, la sociabilité, les traditions, la famille, la procréation, ces notions reléguées dans le domaine pratique.

Un individu est un monde ; cent individus font cent mondes, et les uns aussi légitimes que les autres : l’idéaliste ne saurait donc admettre qu’un seul type de gouvernement, l’an-archie ; mais s’il pousse un peu plus avant l’analyse de sa théorie il admettra encore, avec la même logique (et avec plus de complaisance) la domina-