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connaissons pas Dieu tel qu’il est et Dieu ne nous connaît pas tels que nous sommes » ; enfin les réalistes du moyen âge professaient, eux aussi, la douloureuse relativité de toute connaissance, que toute notion n’est que d’apparence, que la vraie réalité est insaisissable pour les sens comme pour l’entendement. [1] Les conséquences logiques de ces aphorismes sont nettes : on ne connaît que sa propre intelligence, que soi, seule réalité, le monde spécial et unique que le moi détient, véhicule, déforme, exténue ; recrée selon sa personnelle activité ; rien ne se meut en dehors du sujet connaissant tout ce que je pense est réel : la seule réalité, c’est la pensée.

La relativité de l’extérieur étant bien établie, nul besoin, théoriquement, pour le moi, de se mêler à de problématiques contingences ; il se suffit à lui-même, et il le faut, puisqu’il est isolé de ses semblables

  1. La véritable premier théoricien du « phénoménisme » serait encore plutôt Berkeley, mais, par excès de logique, Berkeley va un peu loin et Kant. lui-même, l’a réfuté en réfutant Descartes (Critique de la Raison pure).