Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

son appareil photographique sur la fuyante.

Michelle ne s’arrêta qu’à la cuisine où elle tomba essoufflée sur le banc de chêne, en nage, et ses petites mains brunes au front, ses coudes sur les genoux, elle resta pensive sans entendre les reproches de Rosalie qui la grondait de s’être misé dans un pareil état.

Le sentiment dominant en elle était la peur, une incompréhensible peur. Cet inconnu cependant n’avait voulu lui faire aucun mal, il ne l’avait ni menacée ni poursuivie, mais elle avait passé dans son ombre, elle avait senti l’impression que doit avoir le petit poisson des eaux calmes quand il voit au-dessus de lui s’étendre la vision des mailles serrées de l’épervier, et elle demeurait pour la première fois de sa vie rêveuse, les yeux entr’ouverts pour des choses inconnues.

Ses fleurs restaient à ses pieds et il fallut que Rosalie lui rappelât l’heure de la marée, l’attente de Lahoul au petit port.

Alors elle se leva, se glissa furtive dans les douves à sec à cette heure du ressac, elle escalada la falaise, suivit le chemin de chèvre des douaniers pour descendre les rochers presqu’à pic et ne pas repasser par le sentier où elle avait si peur de retrouver son épouvantail.