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scène à peu près semblable sans doute, à laquelle elle n’avait pu assister… là-bas, de l’autre côté du Rhin. Il devait y avoir déjà deux ans…

Le jeune conscrit devina ce que songeait sa mère, et il voulut, comme toujours, chasser les papillons noirs voletant autour d’eux.

« Alors, mère, tu as invité les vieux amis à dîner en l’honneur du tirage au sort de ton soldat. Tu sais, je planterai des drapeaux dans tous les verres. »

Elle sourit doucement.

« Nous aurons l’air à la guinguette, mon ami.

— Eh ! qu’importe, nous serons chez nous, libres de nous amuser à notre idée ; on dira si l’on veut que nous ne sommes pas distingués, pas gens du monde gourmé où l’on pontifle, qu’importe. Sommes-nous comme d’autres, nous ? N’avons-nous pas le droit, après tant de soucis, de crier victoire ? Tu voulais ton fils Français, comme toi, tu n’y es pas arrivée sans peine et sans gloire. Et puis, nos amis ne se formaliseront pas, tous sont sincères et nous aiment. Qui as-tu invité ?

— Rien que les anciens : M. l’abbé et Mme Rozel, ta grand’mère, Georges Lahoul, qui a tout exprès obtenu congé de ses professeurs. »

La voiture s’arrêtait devant l’appartement que, depuis douze ans, habitait rue François Ier la comtesse Hartfeld.