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Michelle tressaillit ; voilà que sa petite folie de vaillance patriotique transparaissait comme une imprudence. Le prince reprit, aimable.

« Vraiment, comtesse, sur votre passage s’allument tous les feux ; vous plairait-il d’accepter mon bras pour faire le tour du camp ? »

Le marquis Herber aussitôt céda sa place et la jeune femme dut accepter le bras chamarré d’aiguillettes qui s’offrait à elle.

« Comme vous êtes Française ! fit à demi-voix le cavalier de la jeune femme. Savez-vous que cette jolie cocarde est terriblement incendiaire. Est-ce un hasard qui a réuni ces fleurs emblématiques ou vos instincts belliqueux, comtesse ?

— J’ai pris trois fleurs dans les serres de Rantzein, prince, trois fleurs venues en terre allemande, et puisque vous parlez d’emblème, voici le langage que leur prêtent les poètes : bluet, simplicité ; rose blanche, pureté ; rose rouge, amour.

— Et les trois, réunies ainsi sur votre cœur racontent en leur mystérieux langage vos pensées, comtesse. Elles veulent dire : amour simple et pur ; une vraie profession de foi, et à l’égard de qui, s’il vous plaît ?

— J’aurais dû encore ajouter une fleur, prince, elle vous eût répondu pour moi.

— Ah ! laquelle ? Je ne suis guère poète et ne comprends rien aux subtilités des rêveurs. Veuillez m’instruire, comtesse ?

— Une giroflée de muraille, une vulgaire ramoneuse…

— Et cela veut dire ?

— Fidélité au malheur. »

Il la regarda à ces mots :

« Vous donnez d’excellentes leçons, comtesse. Ne croyez-vous pas qu’à la longue,