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« Maintenant mon fils, tu as tenu haut le drapeau de la patrie, tu vas songer à la famille.

— À la grande famille chrétienne, oui mon oncle ; car je sollicite de ma mère et de vous, la permission d’aller aux Missions étrangères. Je n’ai que trop tardé et je me sens tout chancelant sur ma route, à cette heure où j’ai vu le monde. »

Le prêtre le releva dans ses bras :

« Georges, si tu chancelles, ne pars pas ; aucune voie n’est fermée à l’homme de bonne volonté. Le ciel se peut gagner par toutes les directions…

— Mon oncle, je me suis trop laissé attirer par les liens terrestres. Dieu m’appelle, mon oncle. J’ai trop rêvé à Rantzein.

— Quoi ?

— J’ai cru à la faute d’une femme pure et vertueuse ; j’ai éprouvé une torture inouïe, à la pensée qu’elle avait trahi sa patrie, j’ai eu la preuve du contraire, j’ai vu à quel point elle m’avait protégé… Et toutes mes pensées, sans cesse occupées d’elle, me font crier au Seigneur : « Prenez-moi, ô divin Maître des cœurs, et que votre amour seul brûle mon âme ! »

L’abbé Rozel eut un soupir. La pauvre mère s’agenouilla, brisée devant le calvaire, et le jeune homme s’enfuit.

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Minihic était venu embrasser les siens, il avait trouvé sa sœur priant sur une tombe fraîchement recouverte, il avait vu son père suivre des yeux, sur la mer, la fumée d’un yacht qui s’éloignait, et il était resté un peu dans ce milieu de famille apportant la distraction de sa présence. Ensuite, il était reparti pour la Suisse, muni de la permission de s’unir à la brave Elsa, qui n’avait pas craint de tendre la main aux proscrits.

Minihic avait conservé son grade après un