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— Dites-moi le nom de ce pays.

— Le château des Voisins, près Orléans.

— Mais la ville est occupée par nos troupes.

— Hélas ! oui.

— Alors, je ne suis pas prisonnier. En grâce, Madame, dites-moi les nouvelles. Où en est le siège de Paris ?

— Toujours au même point. On bombarde, on affame…

— Vous êtes Parisienne ?

— Oui, je suis partie avant l’investissement ; venue ici chez des amis, j’ai le bonheur d’être utile. J’ai un fils soldat, moi aussi.

— Depuis combien de temps suis-je ici ?

— Une dizaine de jours. Vous aviez le délire, un infirmier était près de vous, c’est de ce matin seulement que, vous voyant calmé, on m’a mise à votre garde. À présent, il faudrait vous taire et demeurer tranquille, sans quoi le docteur me fera des observations. »

Alors il obéit, infiniment las. Sa pauvre tête brisée rendait pénible la suite des idées, un peu de rêve s’y mêlait sans cesse ; malgré lui il assimilait cette femme, sa gardienne, à Michelle, et, en tâtonnant, il prenait sa main dans les siennes.

Un matin, il tressaillit. On lui mettait entre les doigts une enveloppe.

« Une lettre ! exclama-t-il, une lettre ! d’Allemagne ?

— Oui.

— De Rantzein ? Oh ! Madame, lisez, lisez par grâce, quelle est la signature ?

— Michelle.

— Oh ! ma chère petite Michelle, donnez-moi le papier que je l’embrasse. »

Émue devant cette joie, la dame ambulancière se hâta d’obéir ; mais à son tour elle tressaillit. Un mot avait frappé son regard. Dominant sa propre émotion, elle lut :