Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/206

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais songe à notre pays, songe qu’un Français vaut dix Prussiens, que les conquérants avancent, qu’ils prennent ton village… »

Minihic crispa les poings :

« Tonnerre ! Si je les savais en Bretagne !

— Ils en sont à la porte ; vois leur Tagblatt[1] d’aujourd’hui, ils tournent Paris. »

Le Breton réfléchissait, ébranlé, la pensée chez lui où le vieux père restait le seul protecteur de sa mère, de sœur Yvonne et il sentait bouillonner en lui la jeunesse, la force, la colère.

« Voilà, reprit-il enfin, moi je connais le pays, je puis vous mettre sur une piste qui va en Suisse par les bois en quelques heures, au matin je serai de retour ici…

— Si tu viens un peu avec moi, il faut partir tout à fait, on te ferait payer trop cher ma fuite. Pourquoi hésites-tu ? À la frontière, tu prendras un fusil, moi de même et nous rattraperons vite un régiment quelconque, avec lequel nous parviendrons à défendre notre sol, notre foyer.

— Ah ! mon capitaine, quelle désertion pour moi ! Et Mme la comtesse ?

— Je te répète qu’elle t’admirera plutôt. Tu n’es pas lié ici, toi ! tous les Français de ton âge sont sous les drapeaux à cette heure décisive pour notre patrie.

— C’est vrai, tout de même, ce que vous dites, mon capitaine, je vais aller parler à Mme la comtesse.

— Garde-t’en bien, malheureux, déjà une fois il m’est arrivé malheur d’une confidence à son égard.

  1. Journal allemand.