Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Non, non, je l’ai vue là-bas à Paris… ensuite dans la forêt… »

Il retomba sur l’oreiller, en proie à une crise de sanglots convulsifs.

« Allons, mon capitaine, du calme, reprit Minihic, vous allez vous redonner la fièvre. Voyons, écoutez et regardez ; il suffit, pour la juger, de voir notre noble dame. « 

Georges n’écoutait plus. Un travail inouï se faisait dans sa tête pour reconstruire les jours précédents, et il glissait au rêve peu à peu, si faible encore, que des images passaient, sans qu’il sût démêler leur réalité, et il finit par s’endormir, complètement calmé enfin.


XIV


La conduite de Minihic avait mis de l’orage dans la maison, Edvig avait été acerbe pour Michelle ; les domestiques de la maison ne parlaient plus au Breton. Il mangeait seul ce que voulaient bien lui laisser les autres, et si sa maîtresse n’eût veillé à suppléer à l’insuffisance de tels repas, le pauvre garçon eût bientôt manqué de forces.

Il ne quittait pas les blessés français ; il les promenait doucement dans les allées du parc et, quand ils étaient assez forts, on les envoyait à Ludow rejoindre les autres prisonniers.

Georges Rozel, qui, maintenant, sortait un peu tous les jours, voyait avec terreur approcher le moment où il serait incarcéré à son tour dans la forteresse. Il fuyait la comtesse Hartfeld qui, fort occupée, d’ailleurs, des plus malades de ses blessés, ne s’occupait pas de lui, ne songeait plus à se disculper d’une accusation, que les circonstances semblaient rendre juste. Elle se taisait ; sa peine déposée au pied de la croix, elle accomplissait son devoir avec calme. Quant au jeune officier, il lisait et priait la plupart du jour ; la bibliothèque de Rantzein,