Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Heureusement, nous avons le yacht et nous allons rentrer par la Belgique. Paris semble atteint d’un accès de folie. On crie, on court, tout le monde est dehors ; l’effervescence est telle que la France semble en révolution, mais assurée de son succès et de ses victoires !

Chaque jour on en annonce. Ce matin, on criait dans la rue la mort du prince royal de Prusse. Cent mille Prussiens tués ! Toutes ces acclamations me font mal, partagée, que je suis, entre deux soucis. Oh ! Hans, comme je voudrais vous avoir près de moi !

Alexis a pensé que nous devions rester quelques jours à Bruxelles pour y attendre de vos nouvelles, et sans doute, de l’autre côté de la frontière, les difficultés seront les mêmes pour voyager en chemin de fer. Les enfants sont très bien, ils prient tous les jours avec moi pour leur père. Au revoir, Hans, que le bon Dieu vous garde.

Votre Michelle. »

Quand la jeune femme remonta sur le pont, on était en pleine mer. La Manche, aux lames courtes, faisait tanguer le yacht ; un malaise prenait tous les passagers sous une menace d’orage.

Le coucher du soleil incendiait l’horizon, et derrière eux, vers la France, d’énormes cumulus étaient striés d’éclairs.

Le prince monta sur le banc de quart, où se tenait le capitaine, et l’interrogea.

« Tant que la mer monte, rien à craindre,