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cœur, mais l’éducation complique la réflexion, développe en pensée les germes présents. Encore une fois, la pauvre enfant se trouvait aux prises avec une hostilité ; le lot de sa vie semblait être de venir toujours à propos dans un milieu où on ne la souhaitait pas.

Elle sentit cela tout de suite, et comme nul ne lui rendait son baiser, elle se retourna vers son mari avec une vraie détresse.

Celui-ci alors prit la main d’Edvig, celle de Michelle, et les unit :

« Soyez amies, soyez sœurs, dit-il avec émotion, vous, mes deux uniques affections.»

Très légèrement, Edvig serra les doigts de la jeune femme et :

« Rentrons donc, je vous prie, le spectacle de nos effusions de famille n’intéresse nullement nos serviteurs, » conclut-elle d’une voix mordante.

Enfin, s’adressant à Michelle :

« Une femme de chambre est spécialement attachée à votre service ; elle va vous conduire dans vos appartements ; vous avez besoin, avant le dîner, de réparer le désordre de votre toilette. »

Elle fit de la main un signe d’éloignement. Une Badoise, en costume national, attendait des ordres sur le seuil. Elle partit de suite précédant la comtesse. Hans eut un mouvement pour suivre sa femme ; mais Edvig le retint.

« J’ai à vous parler mon frère, restez donc ; depuis près d’une année que je ne vous ai vu, n’ayez pas tant de hâte à me quitter. »

Le comte obéit, prit le fauteuil indiqué, oppressé déjà, mal à l’aise d’être chez lui entre deux obligations, entre deux devoirs, chers tous deux, incompatibles.

« Sans doute, Edvig, je suis heureux de vous retrouver, mais je pensais que Michelle était bien seule en cette maison inconnue où n’ayant que moi pour l’acclimater, elle y doit compter. Je vous demande donc de me per-