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Le second acte se passe dans le parc de Richmond. Il s’ouvre par un délicieux prélude d’une instrumentation fine et transparente, introduisant un thème ravissant qui reparaîtra plus loin dans le dernier ensemble du duo entre le roi et Anne de Boleyn, un des morceaux les plus saillants de la partition.

Après un monologue de Don Gomez, dans lequel on rencontre de beaux accents de déclamation, paraît Anne de Boleyn, accompagnée de dames de la cour qui lui offrent des fleurs, page remplie de charme et de distinction. Vient ensuite une scène rapide entre Anne et Don Gomez ; puis le grand duo entre Anne et le roi. Ce duo est un morceau capital. On y sent circuler partout une sensualité impatiente, noyée dans une instrumentation pleine de caresses félines. Le dernier ensemble de ce duo est exquis et d’un charme de sonorité incomparable. Mlle Richard et M. Lassalle le disent en perfection. L’air qui suit : « Reine ! je serai reine ! » est d’un beau caractère d’orgueilleux enivrement. Dans le duo entre Anne de Boleyn et Catherine d’Aragon, l’on remarque les accents tour à tour pleins de clémence et de fierté de la noble et malheureuse reine.

Arrive le légat du pape, chargé de signifier au roi l’interdiction prononcée par le Souverain Pontife.

Les auteurs n’ont point donné d’importance à cette première rencontre solennelle entre l’insolence du monarque et la dignité sereine de l’ambassadeur du Pape ; c’eût été risquer d’escompter l’intérêt du troisième acte, dont le finale repose sur la même situation plus remplie et plus développée. L’acte se termine par un ballet charmant de couleur et d’instrumentation.

Le troisième acte comprend deux tableaux. Au premier tableau, on est chez le roi. Henri VIII refuse de recevoir le légat qui demande à lui parler. Le dessin de l’orchestre traduit à merveille l’impatience et l’irritation du roi qui, dans un monologue d’une déclamation vigoureuse, s’emporte contre l’autorité de Rome et menace de rompre en visière aux arrêts du pontife suprême. Après un entretien assez rapide mais bien traité entre Anne de Boleyn et le roi, Norfolk vient annoncer que le légat insiste pour parler à Henri VIII. Celui-ci congédie Anne. Entrée du légat, sur un dessin d’orchestre très noble et très pompeux. Explication avec le roi qui refuse de se soumettre. Beau dialogue musical, sur cette trame symphonique que M. Saint-Saëns manie avec tant de souplesse. Le légat reste seul. Cantabile sur le « Fatal orgueil des rois dont le Ciel veut la perte ! »

Il s’est produit, à la première représentation, pendant ce morceau, un incident fâcheux qui a déterminé les auteurs à en faire le