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viii
PRÉFACE.

Je ſuis d’ailleurs malheureuſe, je crois à la fatalité, auſſi l’ai-je prouvé par la transmigration des âmes.

Je me ſuis, je crois, rendue recommandable à ma patrie ; elle ne ſauroit oublier jamais que, dans le tems où elle étoit aux fers, une femme a eu le courage de prendre la plume le premier pour les briſer. J’ai attaqué le deſpotiſme, l’intrigue des ministres, les vices du gouvernement : je reſpectai la monarchie et j’embraſſai la cauſe du peuple ; toutes mes connoiſſances alors ont frémi pour moi, mais rien n’a pu ébranler ma réſolution ; le talent ſans doute ne répondoit pas à ma noble ambition, mais je me ſuis montrée ardente patriote ; j’ai ſacrifié au bien de mon pays, mon repos, mes plaiſirs, la majeure partie de ma fortune, la place même de mon fils, et je n’ai reçu d’autre récompenſe que celle qui eſt dans mon cœur ; elle doit m’être chère, elle fait mon bonheur, je n’en ambitionne pas d’autres. Peut-être avois-je droit d’attendre une marque de bienveillance de l’assemblée nationale ; elle qui doit montrer à l’univers l’exemple de l’eſtime que l’on doit à tout citoyen qui ſe conſacre au bien de ſon pays, elle ne peut ſe diffimuler qu’elle a adopté tous les projets que j’avois offerts dans mes écrits avant la convocation ; on