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PRÉFACE.

étoit bien conçu, j’en accepte l’augure. Mais les femmes ! les femmes ! ſi généreuſes pour leur ſexe, deſquelles on n’a pas apperçu un ſeul coup de main à la repréſentation de cette pièce : et mes amis, mes bons amis ! il faut que je leur diſe un mot puiſque me voilà en chemin. Tous attendoient mon ſuccès ou le craignoient, car l’amitié de ce tems n’exempte pas de la petite jalouſie. Les uns, je le ſais, ont applaudi à ce peu de ſuccès, les plus déſintéreſſés m’ont vu d’un autre œil : le ſentiment de la pitié couvre d’opprobre celui qui l’excite. Aucun n’a eu la noble généroſité de venir me conſoler, et comme ſi j’avois commis des crimes, tous m’ont abandonnée : ah ! quels amis ! ah ! rigoureuſe épreuve ! non, il n’y en a pas d’auſſi sûre que celle du théâtre : les ſuccès couvrent tous les défauts, même les vices ; une chute les donne tous, et les vertus diſparoiſſent.

Ma pièce loin d’échouer a été même applaudie ; elle a excitée la critique, et plus encore l’envie, ce qui m’aſſure qu’elle n’eſt pas ſi mauvaiſe ; mais je n’ai pas de prôneurs ; mais je n’ai pas la maſſe des auteurs qui ſe tiennent ordinairement enſemble pour faire réuſſir leurs ouvrages ; ſeule, iſolée, et en but à tant d’inconvéniens comment attendre même un ſuccès mérité

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