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change de ton lorsqu’il s’adresse au poète, roi des espaces lumineux :

Que tes cheveux soient une queue
De comète, et royalement
Ouvre au vent ta bannière bleue
Découpée en plein firmament.

Monte plus haut, comme un grand aigle,
Plus haut toujours, comme un condor ;
Monte sans frein, sans loi, sans règle,
Et perds-toi dans le couchant d’or.

Et vogue enfin à pleines voiles.
Loin du monde, loin de céans ;
Que tes larmes soient des étoiles,
Et tes sueurs des océans.

Et là-haut, dans le libre espace,
Sur ton corps glorieux et beau,
Si tu vois qu’il reste une trace
De la bataille ou du tréteau,

Sur ton front si tu vois encore
De la boue et du sang vermeil,
Débarbouille-toi dans l’aurore
Et sèche-toi dans le soleil.

Afin de se sécher dans du soleil, on désertait parfois le Sherry-Cobbler pour aller en Orient. L’Orient, avec une gracieuseté dont on ne peut que lui savoir gré, se sentant trop loin