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distinctes ; on criait à la mort de l’opérette, au renouveau du drame, à la renaissance de la poésie, d’une poésie plus vivante, moins renfermée en des tabernacles par les mains pieuses des servants de la rime riche ; on voulait ranimer l’impassible muse, lui rendre les muscles et les nerfs, et la voir marcher, moins divine, plus humaine, parmi les foules devenues souveraines. Bref ! on se battait à coups d’épigrammes pour la possession d’un lambeau du manteau royal, que Victor Hugo, pareil à Alexandre, laissait traîner sur la croupe de son hippogryphe.

Naturellement, du fond de mon hôtel garni, je convoitais un coin de cette pourpre, et, encouragé par la présence de Richepin, de Gabriel Vicaire et de quelques autres, très jeunes alors, dans la rédaction de la Renaissance, je me glissai un soir à la nuit tombante, dans les bureaux du journal, sis rue Jacob 11, en un poussiéreux entresol, et remis une pièce de vers, écrite (comme vous pensez bien) sur du papier ministériel et bureaucratique.

Lorsque je vins chercher la réponse, il me fut répondu que ce poème ne cadrait pas avec le genre de la revue. Ah ! depuis, en lisant