Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Race humaine, race ironique,
Pour secouer ton embonpoint.
La misère ne suffit point,
Il y faut un peu de musique.

Et Edmond Haraucourt, le poète à double visage, sire de Chambley pour les choses lestes, Haraucourt pour les graves. L’auteur de l’Âme nue et des Amis[1] :

LE BOUCLIER

Le ventre de la femme est comme un bouclier
Taillé dans un métal lumineux et sans tache,
Dont la blancheur se bombe, et descend se plier
Vers l’ombre où sa pointe se cache.

Depuis l’angle d’or brun jusqu’au pied des seins nus,
Il s’étale, voûtant sa courbe grasse et pleine ;
Et l’arc majestueux de ses rebords charnus
Glisse dans les sillons de l’aine.

Tandis que, ciselé sur l’écusson mouvant
Où s’abritent la source et les germes du monde,
Le nombril resplendit comme un soleil vivant,
Un vivant soleil de chair blonde !

— Magique bouclier dont j’ai couvert mon cœur !
Égide de Vénus, ô Gorgone d’ivoire,
Dont la splendeur joyeuse éblouit ma rancœur
Et rayonne dans ma nuit noire !

  1. Charpentier, éditeur.