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Ce Parnasse a pourtant eu l’heureuse fortune de découvrir un poète, Edmond Haraucourt, et un jeune littérateur qui cachait son nom d’Émile Michelet sous le pseudonyme transparent de Telehcim.

Georges Berry devait d’ailleurs fonder bien d’autres journaux avant de trouver sa véritable voie. Ce sont ces tâtonnements des débuts, ces vagabondages à travers des idées voisines, que j’appelle la Bohème de l’Esprit. On bat les buissons creux, jusqu’à ce qu’on trouve enfin la pie au nid, et alors la bohème devient un rêve du passé, et l’on est un homme arrivé.

Pour le poète errant, le quartier Latin semblait horriblement désert. Point de bureau de rédaction, où l’on pût disserter à tort ou à raison ; plus de petits cabarets, tels que le Sherry-Gobbler. Hélas ! Joséphine avait fermé, pour cause de fin de bail, et s’en était allée on ne savait où, dans le Marais, croyait-on.

Parfois l’illustre Sapeck passait rapide, avec André Gill, chez lequel il travaillait, afin de devenir un profond caricaturiste comme son maître. Le pauvre maître, dont l’esprit devait sombrer dans la folie, donnait alors l’exacte sensation d’un franc mousquetaire : un grand