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la pluie avaler aval, si le vous mosterrai comment et bri-[F° 85 d]efment[1], par sa force.

Ore entendez en quele maniere : Quant li soulaus[2] espant ses rais par desus la terre et par desus ces marais, si la deseche[3] toute et en trait la moisteur qui s’en vait ammont[4]. Mais ce est[5] une moisteur soustille qui petit pert ; et a a non[6] vaspeur[7], et monte jusques en mi l’air. Si s’asamble et amoncele et demeure illuec. Et pou et pou i vient[8], tant que ele demeure[9] espesse et oscure[10], tant que ele nous [F° 86 a] tolt[11] la veüe du souleill[12]. Et tel chose est nue[a]. Mais ele n’a pas si grant oscurté[13] que ele nous toille la clarté du jour.

Et quant ele devient trop espesse, si en naist yaue qui vient a terre ; et la nue blanche demeure. Adonc luist li soulaus[14], qui est en haut, parmi la nue, se n’est[15] trop noire, ausi[16] comme parmi ·i· voirre. Et ausi comme d’une chandele[17] ardant dedenz[18] une lanterne, qui nous rent la clarté par dehors ; et si ne voions pas la chandoile. [F° 86 b] Ausi[19] luist li soulaus[20] parmi la nue qui est desouz lui ; et nous rent la clarté du jour, tant comme[21] il fait son tour tout[22] desus[23] la terre. Et la nue, qui touz jourz s’[24] espoisse, s’asamble[25] près a près, tant que ele[26] devient noire et moiste. Lors en ist yaue qui s’en vient jusques a terre. Et ainsi nest[27] pluie.

Et quant ele est toute cheoite a terre, que[28] toute la moisteur se restanche, adonques pert la nue clere[29] et blanche qui est legiere et monte en haut, [F° 86 c] tant que ele defaut tote[30] en la fin, pour le chaut du soulleil [31] amont qui toute la desseche[32]. Lors revoit l’en l’air pur et cler, et le ciel ausi blou comme est azur.

De terre naist et pluie et nues, ausi comme d’un drap que l’en essuieroit au feu, qui seroit moilliez. Lors en ist une moisteur ausi comme fumée, et s’en vait contremont. Qui adonques tendroit sa main au desus de cele fumée, il sentiroit une vaspeur[33] qui toute sa main li amoi-[F° 86 d]stiroit[34]. Et s’ele[35] duroit longuement, il verroit[36] apertement que sa main li moilleroit [37] yaue[38] toute, et qu’il en cherroit[39] yaue. Et ausi[40] vous di je que en tele maniere naissent souvent pluies et nues. Et Diex les monteplie[41] moult[42] bien, quant il veult, pour faire croistre son bien qui est en terre.

  1. — B : briésment.
  2. — B : souleuls.
  3. — B : desesche.
  4. — B : amont.
  5. — B : c’est.
  6. — B : et a non.
  7. — B : vaspour.
  8. — B : en i vient.
  9. — B : ele i demeure.
  10. — B : obscure.
  11. — B : toult.
  12. — B : soleill.
  13. — B : obscurté.
  14. — B : souleuls.
  15. — B : se adonc n’est.
  16. — B : aussi.
  17. — B : chandoille.
  18. — B : parmi.
  19. — B : Aussi.
  20. — B : souleuls.
  21. — B : comment.
  22. — A : il fait du sour tout.
  23. — B : il fait son tour de desus.
  24. — B : « s’ » manque.
  25. — B : s’assamble.
  26. — B : tant qu’ele.
  27. — B : naist.
  28. — B : terre, tant que.
  29. — B : toute clere.
  30. — B : desfaut toute.
  31. — B : soleil.
  32. — B : deseche.
  33. — B : vaspour.
  34. — B : amostiroit.
  35. — B : Et se ele.
  36. — A : il diroit.
  37. — B : moillerent.
  38. — B : « yaue » manque.
  39. — B : charroit.
  40. — B : aussi.
  41. — B : monteploie (« monteplie » : cette orthographe est confirmée ; cf. Froissart (Paris, 1869) p. 182 « monteplie ».
  42. — B : « moult » manque.
  1. « Quant li soulaus... tel chose est nue. » Sydrach Add. 126. S. 352.