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l’autre : une affirmation et une négation. Il affirme l’existence de Dieu et nie la possibilité d’une intervention surnaturelle de Dieu dans le monde, c’est-à-dire la possibilité de la révélation et du miracle. Or, nous prétendons que c’est là une contradiction flagrante, et que cette contradiction frappe le système d’une incurable faiblesse. Vous dites, en effet, que Dieu est, et qu’il est la cause première, la cause des causes ; mais vous ajoutez que cette cause première est immense, éternelle, qu’elle est hors du temps et de l’espace, et qu’elle ne peut agir que selon qu’elle est et que là où elle est, c’est-à-dire qu’elle ne peut agir ni dans le temps, ni dans l’espace, où seules les causes secondes agissent. Mais tout ce que vous affirmez ainsi, et sur l’existence même de cette cause première, éternelle et infinie, et sur sa nature, et sur le mode, la portée et la limite de son action (puisque vous limitez son action), tout cela le savez-vous bien, et comment le savez-vous ? Vous le savez parce que cette cause première et éternelle, que vous reléguez hors de l’espace et du temps, est effectivement intervenue dans le temps et dans l’espace, en marquant au fond de votre âme, en traits que rien n’a pu effacer complètement, sa propre image, en déposant en vous ces notions premières, base et condition de toutes vos connaissances, et particulièrement de la connaissance que vous avez d’elle. La notion de Dieu dans l’âme humaine implique nécessairement une révélation originelle, naturelle de Dieu à l’homme, en même temps que la possibilité d’une révélation subséquente et surnaturelle. Nous dirons qu’entre l’ordre infini où se meut et agit la cause première et la sphère des causes secondes, entre le ciel et la terre, entre Dieu et l’homme, en un mot, les voies sont ouvertes et frayées.