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lesquelles nous portons gravées profondément en nous, sont un produit de nos sensations ; notre intelligence elle-même n’est autre chose que le résultat du fonctionnement de nos organes cérébraux. Ainsi prononce la raison spéculative et son arrêt est sans appel : hors de là on ne plus philosopher.

Eh bien ! nous demandons ce que prouve cette prétendue victoire du positivisme sur le terrain métaphysique ? Quand il nous aura bien démontré et même convaincu que nous ne sommes rien qu’un atome de poussière destiné à retourner dans le vaste mouvement circulaire qui entraîne tous les atomes de la matière, et qui constitue la vie, la vie organique, morale, intellectuelle, toute la vie ; quand il nous aura enlevé toutes nos chères chimères de vie et d’immortalité, qu’aura-t-il fait ? il aura simplement fait la moitié, les neuf dixièmes de notre preuve ; il aura prouvé, dans la mesure où une preuve négative est probante, que le christianisme a raison quand il affirme que la nature humaine est déchue et la raison humaine infirme : il faut qu’elles le soient en effet à un degré inouï pour tomber dans de telles aberrations. Les preuves rationnelles ne peuvent absolument rien contre les témoignages de la conscience et contre les mille protestations de la nature ; et c’est ici le lieu de rappeler cette parole de Pascal déjà citée : « La nature soutient la raison impuissante et l’empêche d’extravaguer jusqu’à ce point. »

On ne saurait être trop hardiment sceptique et agressif vis-à-vis d’une telle aberration de l’esprit humain ; il faut présenter le positivisme comme une maladie morale, qui peut aller avec une puissante intelligence, et le christianisme comme son unique remède.

L’autre forme philosophique avec laquelle nous avons