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on peut bien affirmer qu’un système apologétique dont l’idée centrale plonge ses racines, d’une part dans les profondeurs de la nature humaine, d’autre part dans les profondeurs du dogme chrétien, sera d’une très grande valeur et d’une très grande force.

À cet égard, il nous paraît que l’apologie moderne, en France du moins, s’est beaucoup éloignée, et de la nature, et du christianisme, qu’elle prétend cependant défendre, en méconnaissant ce principe foncier des Pensées, et qu’elle s’est affaiblie dans la mesure où elle l’a méconnu. Sa préoccupation dominante, nous devrions peut-être dire exclusive, est de chercher les harmonies profondes qu’il peut y avoir entre la révélation chrétienne, préalablement à son intervention dans l’histoire ou à son action dans l’àme humaine, et les diverses manifestations, individuelles ou sociales de la nature humaine, et de fonder sa démonstration sur la constatation de ces harmonies préexistantes. Sans doute, il y a au fond de l’àme humaine des vestiges d’une nature originelle, excellente, lesquels sont en même temps des témoins d’un immense désastre. L’idée donc de chercher, entre la nature actuelle de l’homme et une révélation dont l’objet et la prétention sont de restaurer cette nature, des harmonies et des affinités, est juste et vraie ; une apologie qui la méconnaîtrait, se condamnerait à l’impuissance par un scepticisme absolu et contradictoire. Mais nous estimons que placer cette idée à la base de l’apologie, c’est établir un pohit de départ des plus faux et des plus malheureux. Une apologie qui ne veut pas aller à l’encontre de son objet, qui veut aboutir, qui veut être dans le vrai, dans le vrai selon la nature et selon l’Evangile, doit partir, non point de ces harmonies préexistantes, quelque réelles et