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défaites. La tactique de l’attaque change ; celle de la défense aussi doit changer. Les sciences critiques ont fait de grands progrès et, disons-le aussi, de grandes ruines ; nous le constatons sans surprise ni tristesse ; car nous estimons que la vraie critique sert plus la vérité qu’elle ne lui nuit, et plus qu’elle ne sert l’erreur. Nous ne voulons employer à la défense du christianisme que des armes éprouvées ; la critique les éprouve et nous n’avons pas besoin qu’elle nous force à rejeter celles qu’elle nous a fait reconnaître mauvaises. Sûrement, Pascal lui-même, s’il vivait de nos jours, s’empresserait de mettre de côté, non pas tous ses arguments, mais quelques-uns de ceux qu’il estimait les plus forts, sur les figures et les prophéties, et loin d’affaiblir son système, il estimerait et nous estimons qu’il ne ferait que le fortifier.

Mais ces réserves faites touchant des détails et des arguments secondaires, nous insistons avec plus de fermeté sur la valeur de l’ensemble, de l’idée centrale, du principe foncier et distinctif des Pensées.

Quelle est l’idée centrale des Pensées ? Nous croyons l’avoir assez nettement dégagée ; tout au moins pouvons-nous dire que nous nous y sommes sincèrement et courageusement appliqué. C’est une conception particulière de la nature humaine. On l’a appelée du nom de scepticisme, parce qu’on s’est généralement placé au point de vue purement intellectuel, au point de vue de la connaissance ; c’est plutôt du nom de pessimisme qu’il faut la qualifier, en se plaçant à un point de vue tout à fait général qui embrasse tous les attributs de l’homme. Pascal prend l’homme, avons-nous dit, dans son état naturel, en dehors de l’action du christianisme, et il estime et déclare que cet état est un état d’ignorance et de misère, que l’homme