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demande sont conformes aux règles d’une saine raison et que c’est manquer de raison que de refuser de les faire. Il fait usage pour cela d’une argumentation célèbre, critiquée par les uns, exaltée par les autres, l’argumentation dite des paris, ou mieux des partis. Nous allons l’analyser à grands traits.

La guerre est ouverte entre les hommes, dit Pascal, guerre où chacun est forcé de prendre parti. Quel parti prendre ? Sur chaque question, sur les plus importantes surtout, sur les questions religieuses, deux « raisons contraires », deux solutions également plausibles se proposent à l’esprit : l’affirmative et la négative, le sic et le non ; Dieu est ou n’est pas ; le christianisme est ou n’est pas une révélation de Dieu. Que fera l’homme en cet état ? Pour quehe alternative se prononcera-t-il ? Qu’il ne cherche pas de lumières dans sa raison ; la raison n’y peut rien. Dans ces conjonctures, il n’a qu’un parti à prendre, celui de parier ; et, le voilà pesant les motifs qui peuvent le déterminer, les enjeux qu’il expose et les chances qu’il court. S’il parie pour l’affirmative, il engage deux choses : sa raison et sa volonté ; et il a deux choses à fuir : l’erreur et la misère. Ses chances de gain, s’il gagne, sont le vrai et le bien ; ses chances de perte, s’il lui arrive de perdre, sont nulles, puisqu’il est en tout cas dans une complète erreur et une misère profonde. Donc, s’il gagne, il gagne tout, et, s’il perd, il ne perd rien. Parier pour l’affirmative, dans de telles conditions, c’est parier à coup sûr. En un mot, en l’absence de lumières suffisantes, l’homme ne risque rien de se prononcer pour le christianisme, et il risque tout de se prononcer contre lui.

Fort bien, réplique l’interlocuteur, il faut parier ; j’y consens. Mais peut-être engagé-je trop en pariant pour