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sincérité de son âme, éprouver par une expérience personnelle, le bien fondé de cette supposition, c’est-à-dire arriver à la foi chrétienne, doit nécessairement chercher à se placer dans des dispositions morales déterminées : par un acte réfléchi de sa volonté, dans la mesure où ses forces actuelles et naturelles le lui permettent, il doit chercher à s’affranchir du joug que les passions font peser sur lui, et écarter ainsi les causes morales de doute et d’incrédulité, comme il a écarté les obstacles qui lui venaient de sa raison. A la base, à l’origine de toute croyance sincère et profonde, il y a, et un abandon provisoire des droits de la raison, et un acte formel, une décision de la volonté. Hors de là la foi est impossible ; l’apologie est impossible aussi. « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, dit Jésus-Christ, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de mon chef[1]. » Et Pascal : « J’aurais bientôt quitté les plaisirs, disent-ils, si j’avais la foi. Et moi, je vous dis : Vous auriez bientôt la foi, si vous aviez quitté les plaisirs. Or, c’est à vous à commencer. Si je pouvais, je vous donnerais la foi. Je ne puis le faire, ni partant éprouver la vérité de ce que vous dites. Mais vous pouvez bien quitter les plaisirs, et éprouver si ce que je dis est vrai (X. 3.) »

Et ceux qui refusent de faire ces deux concessions préalables ? « La foi n’est pas de tous »[2], déclare saint Paul ; sur ceux-là l’apologie n’a aucune prise ; elle doit les abandonner.

Pascal ne les abandonne pourtant pas sans épuiser sur eux les suprêmes ressources de son puissant esprit. Il s’efforce de les convaincre que les concessions qu’il leur

  1. Jean, VII. 17.
  2. οὐ γὰρ πάντωνπίστις 2 Thes. 3, 2.