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ils ne tiendraient pas parole : c’est en manquant de preuves qu’ils ne manquent pas de sens (X. 1.) »

Mais de ce fait que les chrétiens manquent de preuves, il ne faut rien conclure contre la religion qu’ils professent, mais contre la raison[1] qui n’y peut rien et n’a rien à y voir ; ce qui revient à dire que si la raison ne peut rien pour établir la vérité de la religion chrétienne, elle ne peut rien non plus pour la détruire. Elle est simplement impuissante, aussi bien dans ses attaques que dans ses tentatives de démonstration. « Les prophéties, les miracles mêmes et les preuves de notre religion, ne sont pas de telle nature qu’on puisse dire qu’ils sont absolument convaincants. Mais ils le sont aussi de telle sorte qu’on ne peut dire que ce soit être sans raison que de les croire… il y a de l’évidence et de l’obscurité… Mais l’évidence est telle qu’elle surpasse, ou égale pour le moins l’évidence du contraire (XXIV. 18.) » Encore ici les éditeurs de Port-Royal ont fidèlement compris et rendu sa pensée, quand ils ont dit qu’il se proposait « de montrer que la religion chrétienne avait autant de marques de certitude et d’évidence que les choses qui sont reçues dans le monde pour les plus indubitables.[2] »

Mais s’il y a tout autant de raisons et d’aussi bonnes raisons de douter que de croire, il y a bien plus de motifs et de bien plus puissants motifs de croire que de douter. A défaut donc de preuves capables de convaincre l’esprit, Pascal alléguera des motifs propres à toucher le cœur, à éveiller l’intérêt, à entraîner la volonté ; et c’est dans cet ordre infiniment supérieur aux deux autres, qu’il appelle ordre de la charité, qu’il portera désormais le débat.

  1. Nous rappelons encore ici VIII. 6.
  2. Préf. de P. R. Havet, I, xlix.