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sentiment remplit et trouble sa pensée, que sont-elles ? des besoins, des aspirations, c’est-à-dire des réminiscences d’un état heureux d’où il est déchu et où il peut encore aspirer à s’élever. — Sa grandeur donc se tire naturellement de sa misère. « La grandeur de l’homme est si visible, quelle se tire même de sa misère. Car ce qui est nature aux animaux, nous l’appelons misère en l’homme, par où nous reconnaissons que sa nature étant aujourd’hui pareille à celle des animaux, il est déchu d’une meilleure nature qui lui était propre autrefois. Car qui se trouve malheureux de n’être pas roi sinon un roi dépossédé ? Trouvait-on Paul-Emile malheureux de n’être plus consul ? Au contraire, tout le monde trouvait qu’il était heureux de l’avoir été, car sa condition n’était pas de l’être toujours. Mais croavait Persée si malheureux de n’être plus roi, parce que sa condition était de l’être toujours, qu’on trouvait étrange, de ce qu’il supportait la vie. (I. 4.) »

Donc toutes les misères de l’homme prouvent sa grandeur. « Ce sont des misères de grand seigneur ; misères de roi dépossédé. (I. 3.) »

Ainsi il y a dans l’homme grandeurs et misères. Les misères balancent-elles les grandeurs ? les grandeurs balancent-elles les misères ? Pascal se complait à ballotter et à balancer l’esprit entre ces deux vues contraires, tantôt le portant à la vue de ses misères, tantôt l’arrêtant à celle de ses grandeurs, et lui montrant en somme dans ces conditions contraires, une irréductible contradiction. « Si l’homme n’est pas fait pour Dieu, pourquoi n’est-il heureux qu’en Dieu ? Si l’homme est fait pour Dieu, pourquoi est-il si contraire à Dieu ? (VIII, 11.)

« Que l’homme donc s’estime son prix. Qu’il s’aime,