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et comme rien n’est plus perpétuellement actuel que ce qui est éternel, son œuvre apologétique gardera toujours les caractères d’une perpétuelle actualité. Les attaques des adversaires du christianisme en donnent un irréfragable témoignage : au xviiie siècle, Voltaire et Condorcet l’attaquent comme appartenant au xviiie siècle ; de nos jours, la critique négative, ne se doutant nullement qu’en faisant cela elle nous indique assez clairement la source où nous devrons puiser force et vigueur pour repousser ses propres attaques, le combat comme elle combattrait un moderne champion du christianisme.

Ce caractère des Pensées motive assez fortement notre préférence et justifie notre choix.

Nous avons d’autres raisons encore. A priori, sans connaitre l’œuvre elle-même, l’auteur nous eût paru admirablement qualifié pour l’accomplir. Pascal possédait à un degré où elles ne se sont jamais trouvées réunies chez le même sujet, les qualités propres à faire le parfait apologiste. Il y avait en lui deux natures, deux hommes différents dans le même homme : le chrétien mystique, aux sentiments ardents et tumultueux, au cœur plein de feu et de flamme, à la foi vivante et profonde ; et le mathématicien, le logicien rigoureux, calme et fort, épris de certitude, difficile à contenter en fait de preuves et n’en fournissant lui-même que de solides et bien éprouvées. L’alliance de ces deux qualités contraires, pondérées et réglées l’une par l’autre, a fait du livre des Pensées une œuvre inimitable et incomparable, une œuvre de grande passion et de grande logique. Quand on juge cette œuvre d’un peu loin et d’un peu haut, de façon à perdre de vue les détails pour embrasser l’ensemble d’un seul coup d’œil. on éprouve une singulière et saisissante impression :