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logie, comme le personnage de la comédie faisait de la prose, sans le vouloir.

Ainsi entre M. Astié qui ne veut pas connaître la seconde partie des Pensées, et M. Chavannes qui refuse toute valeur apologétique à la première, Pascal est écartelé et démembré, de sorte qu’il ne reste plus rien de lui !

Nous croyons avoir indiqué la vraie solution. Elle se trouve dans un juste milieu. D’une part, il est insoutenable que celui qui a écrit les admirables pensées que nous avons analysées sur l’incapacité dans laquelle l’homme se trouve de rien saisir hors de lui, ait pu mettre à la base de son argumentation, comme preuve de la vérité de la religion chrétienne, des faits externes ; une telle contradiction chez Pascal nous étonnerait infiniment plus que ne peuvent nous étonner les fantastiques et fantaisistes interprétations qu’on donne à sa pensée. — Mais d’autre part, il est non moins évident que Pascal, et cela avec beaucoup de raison, attachait une grande importance, comme confirmation et complément nécessaire de la preuve morale, aux faits chrétiens, aux prophéties et aux miracles. S’il eût achevé et la mesure de ses jours et son œuvre apologétique, il aurait sûrement cherché à établir, entre ces deux ordres de preuves également nécessaires à une victorieuse démonstration, une juste balance[1] ; mais bien plus sûrement, il n’en aurait supprimé aucun, et ne serait tombé ni dans le supra-naturalisme pur, ni dans les aberrations d’un mysticisme sans contre-poids. Mais quelque fragmentaires que soient les Pensées, la première partie est assez travaillée et assez développée pour qu’il nous soit possible d’en inférer que la méthode de démonstration qu’aurait suivie l’auteur, s’il les avait achevées, est bien celle que nous avons indiquée.

Un mot maintenant sur le Pugio Fidei[2]. Nous aurions beaucoup tenu à vérifier par nous-même les assertions de M. Moli-

  1. XXIV, 18.
  2. Pupio Fidei, Raymundi Martini, Parisiis apud Mathurinum Henault. MCLI — à la Bibliothèque nationale. Vol. A, 2, 667.