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profession la plus agréable, c’est encore la pêche, car le pêcheur n’a pas besoin de savoir quoi que ce soit, pourvu qu’il ait l’habitude…

Et il me montrait avec des gestes amusants comment les poissons tournaient autour de l’appât, comment les perches, les mulets se débattaient quand ils avaient mordu à l’hameçon.

— Tu te fâches lorsque ton grand-père te fouette, disait-il, à d’autres moments. Tu as tort. On ne te fouette que pour ton bien et ce n’est pas très douloureux. C’était ma maîtresse Tatiana Alexiévna qui savait vous faire fouetter ! Elle entretenait même à cet effet un homme qui ne s’occupait que de cela ; il s’appelait Khristofore et était si réputé que les propriétaires des domaines voisins demandaient parfois à ma comtesse : « Tatiana Alexiévna, prêtez-moi donc votre Khristofore pour fouetter la valetaille ! » Et elle accédait volontiers à ce désir.

Il racontait avec beaucoup de détail, mais sans ressentiment, la façon dont la comtesse, vêtue d’une robe de mousseline blanche et la tête couverte d’un vaporeux fichu bleu ciel, s’installait dans un fauteuil rouge sur le perron à colonnades pour regarder Khristofore fouetter les serfs et les paysannes.

— Bien qu’il fût originaire de Riazan, ce Khristofore ressemblait à un tzigane ou à un Petit-Russien : des moustaches jusqu’aux oreilles, le menton rasé et un museau bleuâtre. Je ne sais pas s’il était vraiment idiot ou s’il faisait semblant de l’être pour qu’on le laissât tranquille, Parfois, à la cuisine, il versait de l’eau dans un bol, attrapait une mouche, une blatte ou un scarabée et s’amusait à les noyer