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tés mystérieuses que Dieu a inscrites dans leur symbole, et par l’idéal de perfection morale qu’ils tiennent sans cesse sous les yeux de leurs fidèles. Mahomet refuse de transcrire dans sa règle de foi les mystères du symbole chrétien qu’il combat, avec une obstination et par des arguments qui trahissent chez lui encore plus d’ignorance que de passion ; et du coup son système religieux est réduit aux proportions d’un système philosophique, déiste et spiritualiste, rien de plus. L’idéal moral juif et chrétien, lui paraissant trop haut, il l’abaisse au niveau de son cœur, c’est-à-dire, il le supprime et le remplace par un mélange perfide de condescendance et de rigueur, d’ascétisme et de sensualisme, bien propre à étouffer les plus nobles élans de l’âme humaine, à satisfaire les aspirations des cœurs vulgaires, et à encourager les plus vils instincts de notre nature déchue.

« La doctrine musulmane, dit l’abbé de Broglie, est une combinaison à doses bien graduées de religion et de morale, avec la satisfaction des passions sensuelles et de l’orgueil. On pourrait la comparer à un sel neutre particulièrement stable où les éléments opposés, rationalisme et fanatisme, règle morale et passion, soumission à la force et orgueil, sont unis d’une manière tellement puissante qu’aucune force naturelle ou humaine ne peut les séparer[1] ».

Ainsi s’expliquent en grande partie l’étonnante vitalité et les effrayants progrès d’une doctrine qui, à première vue, semblerait ne devoir pas survivre à la ruine des institutions politiques qui l’ont d’abord abritée, et ne pouvoir pas longtemps supporter la concurrence du christianisme. Voilà bien longtemps que l’empire arabe est mort ; l’empire turc, qui a

  1. Revue des religions, 1890, p. 25.