Page:Goncourt - Préfaces et Manifestes littéraires, 1888.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais la prostitution et la prostituée, ce n’est qu’un épisode, — la prison et la prisonnière : voilà l’intérêt de mon livre.

Ici, je ne me cache pas d’avoir, au moyen du plaidoyer permis du roman, tenté de toucher, de remuer, de donner à réfléchir. Oui ! cette pénalité du silence continu, ce perfectionnement pénitentiaire, auquel l’Europe n’a pas osé cependant emprunter ses coups de fouet sur les épaules nues de la femme, cette torture sèche, ce châtiment hypocrite allant au delà de la peine édictée par les magistrats et tuant pour toujours la raison de la femme condamnée à un nombre limité d’années de prison, ce régime américain et non français, ce système Auburn, j’ai travaillé à le combattre avec un peu de l’encre indignée qui, au XVIIIe siècle, a fait rayer la torture de notre ancien droit criminel. Et mon ambition, je l’avoue, serait que mon livre donnât la curiosité de lire les travaux sur la folie pénitentiaire[1], amenât

  1. Rapports des docteurs Lélut et Baillarger dans la Revue pénitentiaire, t. II, 1845. — Exemples de folie pénitentiaire aux États-Unis, cités par le Dictionnaire de la politique, de Maurice Block.