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pagnie dans sa solitude. À regarder un camélia luisant et verni, une rose aux bords défaillants, au cœur de soufre où semble extravasée une goutte de sang, ses yeux avaient une volupté. L’éclat, la gaieté, l’illumination de la fleur, sa vie légère et tendre, l’immatérialité de ses couleurs de jour et de ciel, madame Gervaisais ne les avait jamais perçus jusque-là comme elle les percevait ; et la jouissance de cette sensation était, pour elle, toute nouvelle et imprévue. En France, ainsi que toute femme qui est une femme, elle s’entourait bien de fleurs ; mais elle n’avait jamais senti cette émanation de l’âme de la fleur. Elle s’étonnait de ce raffinement d’impression qui lui était venu depuis son séjour à Rome, avec tant d’autres acuités de perceptions. Elle se demandait si, aux pays et aux peuples qui s’approchent du soleil, il n’est pas donné un organisme plus sensibilisé qu’ailleurs, plus fait pour goûter et embrasser les séductions simples des choses naturelles, d’une lumière, d’une couleur, d’une fraîcheur, d’un beau bouquet, d’un beau ciel,