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Et à mesure que s’éloignaient et s’en allaient d’elle les faveurs du ravissement, elle sentait se glisser dans ses prières, ses oraisons, ses méditations, ses conversations intérieures, un sentiment qu’elle n’avait pas encore éprouvé, ce malaise de l’âme, cet état où l’amour pieux est subitement comprimé, annihilé par une cause de rupture dont il ne sait rien, et qu’il cherche vainement en lui-même, « l’état de sécheresse », où toutes les tendresses avec lesquelles la dévotion s’offre, monte, s’élance, sont frappées d’aridité, de stérilité, et demeurent devant le Seigneur comme une terre sans eau.

Dieu paraissait lui avoir retranché cette douce nourriture de lui-même qu’il donne aux commençants de la foi, et qu’il leur supprime ensuite, dont il les sèvre, par un plus sévère régime, pour les habituer à le servir, sans désir et sans goût de leur propre félicité, sans exigence ni recherche intéressée et égoïste de leur sensualité spirituelle. Elle était arrivée à un de ces instants critiques dont l’épreuve n’a pas été épargnée