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tarir. Un désintéressement, un détachement des personnes lui venait. Et parfois, avec une grande tristesse, elle reconnaissait la misère présente de ses affections. Alors elle avait des doutes poignants sur elle-même ; et, s’affligeant d’aimer moins, de ne pouvoir aimer à la fois Dieu et le prochain, elle se calomniait, se disait qu’elle n’était plus aimante, sans oser un seul moment faire remonter au livre glacé ce froid du renoncement qu’il avait mis en elle.

De certains jours, elle pensait sans regret à ses amis de Rome qu’elle ne voyait plus, et s’étonnait de se sentir séparée de gens qui vivaient à côté d’elle comme de gens morts depuis des années. Elle songeait à cet attachement autrefois si vif et si profond pour ce frère, à l’éloignement duquel elle n’envoyait plus même un signe de vie, et dont le manque de nouvelles la laissait presque indifférente. Elle se revoyait aux premiers temps de son arrivée à Rome, impatiente, avide des souvenirs laissés derrière elle, allant elle-même prendre à la poste, à l’arrivée, les lettres si attendues,