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petites dents pointues, une fine tête dans une grosse perruque, des yeux humains et larmoyants dans du rose, le regard presque aveuglé du chien d’aveugle. L’autre était crasseux, pouilleux, galeux, chassieux, une bête de la rue, peignée par le vent, lavée par la pluie. Tous deux se tenaient assis sur le derrière ; mais le dernier était à trois pas de distance du premier.

Les deux chiens étaient fort connus à Rome. On appelait le premier T’ho trovato, du nom local des chiens perdus : « Je t’ai trouvé. » Quant à l’autre, on n’avait pas même pensé à lui donner un nom. T’ho trovato passait, dans la légende populaire, pour sortir le matin d’un palais. Il se rendait dans un café du Corso, dont les garçons lui donnaient à déjeuner ; puis il allait on ne savait où, et revenait accompagné de l’autre caniche crotté qui le suivait, attaché à sa trace, s’arrêtant où il s’arrêtait, flairant où il flairait, levant la patte où il avait levé la sienne, mais toujours à la distance respectueuse d’un honnête domestique de chien derrière son maître.