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pittoresquement : « Non, c’est l’indignation seule qui me soutient… L’indignation pour moi, c’est la broche qu’ont dans le cul les poupées, la broche qui les fait tenir debout. Quand je ne serai plus indigné, je tomberai à plat ! » Et il dessine du geste la silhouette d’un polichinelle échoué sur un parquet.

Partout où l’on va, dans ce moment, on se cogne à une latrie bête pour la personne de Littré. Ce Bescherelle, plus complet, est devenu une espèce de bon dieu, au milieu des réclames et des dévotions de la gent libre-penseuse.

5 mars. — Je dîne, ce soir, avec Sardou. Je l’ai entrevu une ou deux fois, mais je n’ai point encore causé avec lui.

Chez Sardou, rien de Dumas, rien de sa hauteur méprisante pour les gens qu’il ne connaît pas. Sardou, lui, est bon prince. Il accepte tout le monde sur le pied de l’égalité. Il est en outre bavard, très bavard, et a le bavardage d’un homme d’affaires. Il ne parle qu’argent, chiffres, recettes. Rien ne dénote chez lui l’homme de lettres. Vient-il à s’égayer, à être spirituel, c’est de l’esprit de cabotin qui monte sur sa mince lèvre.

Un peu prolixe de son moi, il nous raconte longuement l’interdiction de sa pièce américaine. Et à ce propos, un joli détail sur Thiers. Aux sollicitations du Vaudeville, implorant près de Thiers la repré-