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aimer ; quant aux choses, elles ont perdu pour moi leur attractivité. L’autre jour, sur le quai, un libraire m’a offert de voir un ballot de brochures sur la Révolution. Autrefois, la nuit eût eu de la peine à me chasser de chez lui ; aujourd’hui, après avoir regardé deux ou trois de ces brochures, j’ai dit au libraire que j’avais des courses à faire, que je reviendrais un autre jour.

La princesse est dans une grande irrésolution sur le parti à prendre, en l’incertitude des choses, et cette irrésolution, pour un esprit si décidé, une volonté si arrêtée, c’est presque de la souffrance.

Je retrouve chez elle Théophile Gautier, que je n’avais pas revu depuis le siège.

Je le retrouve avec sa mélancolie sereine, faisant le triste tableau du triste état de l’Officiel d’à présent. Il peint, avec cette charge comique qui est à lui, ce local qui se trouve être l’ancienne cuisine de Louis-Philippe. Il montre la table de rédaction : une planche basculante sous la trouvaille d’une épithète colorée. Il décrit enfin la caisse, qu’il nous dit se promener dans le gousset de Francis. Triste ! triste ! triste !

27 août. — J’ai couché hier, et je passe aujourd’hui la journée à Saint-Gratien. Maintenant, ici, la conversation se traîne, coupée par de longs silences. Dans sa position actuelle, la princesse n’a plus sa liberté de parole, ces emportements éloquents, ces rudes coups de boutoir, ces portraits griffés d’une