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brave : « Qu’est-ce ça me fait que nous soyons victorieux de Versailles, si nous ne trouvons pas la solution du problème social, si l’ouvrier demeure dans les mêmes conditions ! »

On dit, autour de moi, que l’orateur s’appelle Jacques Durand.

Lundi 8 mai. — En entrant ce matin chez Burty, je vois, sur sa cheminée, un magnifique bouquet de tamaris, de lilas, d’épines.

Il me raconte qu’il l’a cueilli, hier, sous les obus de Courbevoie. Et petit à petit, se lève pour moi, de son récit, de la mémoire de la journée, un paysage tout original et tout charmant, pour un roman de guerre. Jardins de Neuilly et de Clichy ne font plus aujourd’hui, par la percée des murs, qu’un seul jardin, tout blanc, tout rose, tout mauve, des floraisons des lilas et des épines à fleurs doubles : un jardin aux allées, qu’on dirait macadamisées avec des éclats d’obus, tant il en est tombé, tant il en tombe tous les jours. Dans la jeune verdure et la flore des arbustes printaniers, ici des gardes nationaux couchés à côté de leurs armes, brillant au soleil, là une blonde cantinière versant à boire à un soldat, avec sa grâce parisienne, et à tout coin, et sous tout abri de feuillage, sur le drap militaire, des filtrées, des zigzags de couleur à la Diaz.

Au-dessus des têtes, à tout moment, le beau bruit à la fois sonore et mat des boîtes à mitraille, en même