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bants, peignant en gilet de tricot, et coiffé d’un chapeau de marin hollandais.

Il a, sur son chevalet, un tableau de la banlieue de Paris avec une berge glaiseuse d’un tripotis délicieux. Il nous fait voir des esquisses des rues de Paris, du quartier Mouffetard, des abords de Saint-Médard, où l’enchantement des couleurs grises et barboteuses du plâtre de Paris semble avoir été surpris par un magicien, dans un rayonnement aqueux.

Puis ce sont, dans les cartons, des barbouillages de papier, des fantasmagories de ciel et d’eau, le feu d’artifice des colorations de l’éther.

Il nous montre tout cela, bonifacement, en patoisant un hollando-français, où perce parfois l’amertume d’un grand talent, d’un très grand talent, qui demande 3 000 francs pour vivre par an, et ne les a pas toujours gagnés, même dans les années où il voyait vendre un Bonington, 80 000 francs. Mais aussitôt, se radoucissant, il parle sur une note de tristesse, de son art, de sa lutte, de sa recherche, qui le rend, dit-il, le plus malheureux des hommes.

Pendant ce, tourne autour de lui, avec les caresses de la voix qu’ont les mères pour les enfants, une courte femme, aux cheveux argentés, aux moustaches drues, un ange de dévouement, ayant l’aspect d’une vivandière de la vieille garde impériale.

La séance a été longue. La revue des cartons a duré plusieurs heures. Jongkind a beaucoup parlé. Il s’est animé au sujet de la politique de la Com-