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Dans une interruption de la canonnade, je fais le tour de la maison. Vraiment on dirait que ma maison a été l’objectif du Mont-Valérien. Les trois maisons qui sont derrière moi, dans l’avenue des Sycomores, le 12, le 16, le 18, ont reçu chacune un obus. La maison Courasse, attenant à la mienne, et déjà touchée deux fois par les obus prussiens, a une fente comme la tête, du toit aux fondations. L’obus qui a jeté à terre Pélagie, a coupé l’aiguille du chemin de fer, et enlevé un morceau de rail de 500 livres, dont il a souffleté la façade de la maison, qui a tout un grand panneau de rocaille, écroulé sur le trottoir.

On parle des menaces de la nuit. Nous nous installons dans la cave. On bouche le soupirail avec de la terre de bruyère. On fait une flambée dans le calorifère, et Pélagie me dresse un lit dans un dessous d’escalier.

Dimanche 16 avril. — Contrairement à toute prévision, une nuit tranquille, bien qu’un grand combat d’artillerie ait lieu dans la pluie et le vent, du côté de Neuilly.

La journée d’hier m’a fait faire des études très sérieuses d’acoustique. Je ne savais pas par quoi était produite l’espèce de plainte déchirée, qu’il m’était arrivé, une fois, de prendre pour le cri gémissant d’un homme. J’avais lu dans un journal que c’était le bruit particulier des boulets pleins. Maintenant je sais que cette plainte est le résultat de la