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ment, semblables à ces bestiaux stupides et effarés, qu’on voyait errer, au commencement de la guerre, dans le bois de Boulogne : plus écœurant encore, le spectacle de ces officiers gandins, garnissant les tables des cafés des boulevards, tout occupés de la canne, achetée le matin, pour parader sur l’asphalte.

Ces uniformes si peu héroïques se font trop voir, ils manquent de discrétion.

Samedi 11 février. — Paris commence à avoir de la viande et des choses à manger, seulement les Parisiens manquent complètement de charbon, pour les faire cuire.

Dimanche 12 février. — Je monte chez Théophile Gautier, qui s’est réfugié de Neuilly, à Paris, rue de Beaune, au cinquième, dans un logement d’ouvrier.

Je traverse une petite pièce, où je trouve assises sur le rebord de la fenêtre, ses deux sœurs, dans de misérables robes, avec leurs couettes de cheveux blancs, sous une fanchon faite d’un madras.

La mansarde, où se tient Théo, et qu’il remplit tout entière de la fumée de son cigare, tant elle est petite et basse, contient un lit de fer, un vieux fauteuil en bois de chêne, une chaise de paille, sur laquelle passent et s’étirent des chats maigres, des chats de famine, des ombres de chats. Deux ou trois esquisses se voient accrochées de travers aux murs,