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encore, et que peu à peu l’avenir nous dévoilera ! Ah ! une main française a-t-elle pu signer cela !

Que vraiment ils soient fiers d’avoir été les geôliers et les nourrisseurs de leur armée, cela est trop bête ! Ils n’ont donc pas compris que cette apparente mansuétude était un piège de Bismarck ! Enfermer dans Paris cent mille hommes indisciplinés et démoralisés par leurs défaites, en ces jours de famine, qui vont précéder le ravitaillement, n’est-ce point enfermer la rébellion, l’émeute, le pillage ? N’est-ce pas se donner presque certainement un prétexte pour entrer à Paris ?

Dans un journal qui contient la capitulation, je lis l’intronisation du roi Guillaume, comme Empereur d’Allemagne à Versailles, dans la Galerie des glaces, à la barbe du Louis XIV de pierre, qui est dans la cour. Çà, là… c’est bien la fin des grandeurs de la France.

Mardi 31 janvier. — Ce soir, je dînais au restaurant, à côté d’un avocat à la cour de cassation, M. P… Je lui disais qu’il serait bien heureux que la prochaine assemblée se rationnât d’avocats, de marchands de verbe et de mots creux. J’ajoutais que, pour mon compte, j’étais persuadé que si la France pouvait se priver d’éloquence parlementaire, pendant une vingtaine d’années, la France se sauverait, mais que c’était là la condition sine qua non de son salut.