Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion, par ordre, d’une neuvaine à la Vierge, que devait suivre un miracle. Est-ce ironique, si c’est vrai que la France avait remis son salut entre les mains d’un homme, dont la place était aux Petites-Maisons ?

Dimanche 29 janvier. — Les mobiles rentrent et passent sous les fenêtres, engueulés par les gardes nationaux répandus sur le boulevard.

En allant voir la batterie de marine du Point-du-Jour, j’entre dans le jardin de Gavarni, que je trouve éventré par des tranchées, percées de trous ronds, au fond desquels sont enfouis des obus qui n’ont pas éclaté. Un garde national, armé d’un pic et escorté de sa femme, ployant sous le poids d’un grand sac, déterre un obus, qui a disparu dans la terre gelée. Pauvre jardin ! Le chalet du marchand de tripes a son toit percé d’un obus, qui semble avoir mis intérieurement en capilotade la fragile construction. Le petit vallon vert montre ses derniers sapins couchés sur le flanc, et sa voûte enguirlandée de lierre, — son salon des fraîcheurs, ainsi que l’appelait Gavarni, a été converti en casemate, d’où sort un tuyau de poêle.

Je reprends la route de Versailles. Des maisons à jour. Au no 222, un obus traversant la boutique d’un nommé Praisidial — un joli nom de révolutionnaire, au théâtre — a éclaté dans une pièce où l’on vous montre l’endroit où il a coupé la tête d’un homme,