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— N’oubliez pas, il y a encore chez Corcelet des conserves de tomates !

— Que je vous indique une très bonne chose. Vous faites du macaroni, et vous l’accommodez en salade, avec beaucoup d’herbes. Que voulez-vous dans ce moment !

La famine est à l’horizon, et les Parisiennes élégantes commencent à transformer leurs cabinets de toilette en poulaillers.

Ce n’est pas seulement le manger, c’est l’éclairage qui va manquer. L’huile à brûler devient rare, les bougies sont à leur fin. Et pis que tout cela, par le froid qu’il fait, on est tout proche du moment où l’on ne trouvera plus ni charbon de terre, ni coke, ni bois. Nous allons entrer dans la famine, la congélation, la nuit, et l’avenir semble promettre des souffrances et des horreurs, telles que n’en a vu aucun siège.

Vendredi 9 décembre. — Quel temps pour la guerre que ce temps de gelée et de neige ! On pense aux souffrances des hommes, condamnés à coucher dans cette humidité glacée, on pense aux blessés, achevés par le froid.

Aujourd’hui le rempart, avec ses lignes blanches des fortifications, où se promène la faction ankylosée des gardes nationaux, avec ses lointains noirs, saupoudrés de blanc, avec les glacis micacés de ses forts, avec son ciel tout bas qui a la couleur d’un